Directives durabilité et vigilance: Quelle appropriation par les syndicats?
Le travail est confronté, depuis plusieurs années, à trois grands défis : l’encadrement du pouvoir d’entreprises transnationales, la protection des travailleurs et de l’emploi contre les conséquences du dérèglement climatique et l’implication des salariés dans le développement des nouvelles technologies. Bon an mal an, le droit français et, avec lui, le droit supranational (Union européenne, OIT), fournit aujourd’hui aux représentants des travailleurs parmi lesquels en premier lieu les organisations syndicales, des outils juridiques pour relever ces défis. Le droit du numérique, dont il ne sera pas question lors de cette journée, offre par exemple des moyens d’action aux syndicats, qu’il s’agisse du Règlement général de protection des données personnelles (RGPD) ou, en droit français, de l’action collective ouverte en défense du droit des données personnelles. Quant aux autres défis, que sont la responsabilité des entreprises transnationales et la protection contre les incidences du dérèglement climatique, il faut compter sur la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés-mères et donneuses d’ordre, dont le contenu commence à prendre de l’épaisseur grâce à une jurisprudence naissante ainsi que sur la directive durabilité, entrée en vigueur le 1er janvier 2025 (CSRD) et la directive sur le devoir de vigilance, qui devra être transposée avant le 26 juillet 2027 (CSDDD).
Les syndicats ne peuvent ignorer ces outils juridiques ? Mais comment s’en emparent-ils ? A minima pour respecter les obligations légales en vigueur ou de façon proactive ? Leur approche est-elle uniforme ou les usages et les difficultés diffèrent-il d’un acteur syndical à l’autre ?
Poser ces questions – et tenter d’y répondre – est aujourd’hui nécessaire à plus d’un titre. D’abord, parce que la France est le pays présentant le plus de recul avec l’adoption d’une loi sur le devoir de vigilance. Des premiers apprentissages peuvent donc en être tirer en vue de la transposition à venir de la CSDDD dans tous les pays membres de l’UE. Ensuite, parce que la mise en application de l’ensemble de ces nouvelles législations, dont le succès dépendra vraisemblablement de la capacité des « parties prenantes » dont les syndicats à s’en emparer, présente une complexité que personne n’ignore. Cette complexité est autant due aux textes eux-mêmes, tantôt lacunaires comme l’est la loi française du 27 mars 2017, tantôt volumineux comme le sont particulièrement la CSRD et la CSDDD, qu’au nouveau langage et aux nouvelles logiques qu’elles impriment. Porter une réflexion syndicale sur la responsabilité d’une entreprise pour des faits pouvant se situer ailleurs et parfois au profit d’autres personnes que les syndiqués eux-mêmes ne va probablement pas toujours de soi. Et porter une réflexion universitaire sur des législations en voie de construction sans contact avec les syndicats, premiers concernés lorsqu’il est question de travail et de chaîne de valeur, ne va pas plus de soi. Les difficultés pour rendre vivantes ces différentes législations et actualiser leur potentiel transformateur sont donc certainement autant juridiques que sociologiques. Il est donc plus que temps de croiser les regards entre chercheurs et syndicats.
Afin d’aborder ces questions le plus efficacement et le plus pédagogiquement sur une journée, celle-ci sera divisée en deux parties. Le matin sera consacré à une perspective « purement » française en donnant la parole aux fédérations, confédérations et syndicats d’entreprise à propos tant de la CSRD que du devoir de vigilance dans l’attente de la transposition de la directive CSDDD. L’après-midi sera dédié à l’ouverture internationale et comparée. Comment se préparent les syndicats dans les autres pays ainsi que les fédérations syndicales internationales ? Les usages sont-ils différents ?
Inscription: inscription.isst@univ-paris1.fr